Du mauvais usage des stock-options …

 

 

Les stock-options donnent souvent lieu à des pratiques non conformes à l'intérêt des actionnaires.

 

 

 

Avec les stock-options, on pensait avoir trouvé la carotte qui allait inciter les dirigeants à prendre les bonnes décisions, celles qui font grimper les cours de Bourse. Les auteurs de cette invention n'avaient sans doute pas prévu les perversions du système qui n'ont pas tardé à se développer, à la hausse comme à la baisse. D'abord parce que, à la différence des actionnaires, les bénéficiaires de stock-options, tant qu'ils ne les ont pas exercées, n'ont rien à perdre si le cours descend. En revanche, ils ont tout à gagner si le cours monte. De là, pour les dirigeants, à exposer la société et ses actionnaires à des risques excessifs, il n'y a qu'un pas que certains franchissent allégrement. D'autres n'hésitent pas à sacrifier des investissements nécessaires au développement à long terme au profit d'une politique de résultats à court terme. Il est également fréquent qu'un bon nettoyage des comptes constitue le préalable à un vaste plan de stock-options dans la foulée de la baisse des cours qui suit, avec la quasi certitude de bénéficier d'une confortable marge de hausse durant les années suivantes. De telles pratiques ne sont conformes ni à l'intérêt de la société, ni à celui de ses actionnaires. On assiste maintenant à un exercice d'un genre nouveau: celui auquel se livrent les dirigeants des sociétés dont le cours baisse. Le cas de Rhodia est, à cet égard, assez exemplaire. En 1998, 1,6 million d'options ont été attribuées moyennant un prix d'exercice de 21,40 euros, très proche du prix d'introduction en Bourse de la société. L'année suivante, le cours ayant considérablement baissé ‑ l'action valait entre 12 et 13 euros en février 1999, après avoir frôlé les 10 euros en septembre 1998 ‑, il fut proposé aux détenteurs de stock-options d'échanger celles qui leur avaient été octroyées l'année précédente contre des options nouvelles, à raison de quatre pour trois, exerçables celles-là à 15 euros.

 

Curieuse conception de l'égalité de traitement des actionnaires.

 

Car il n'était évidemment pas prévu de proposer aux actionnaires qui avaient acheté leurs actions à 21,40 euros lors de l'introduction de leur en rembourser quatre moyennant l'achat de trois nouvelles à 15 euros ! Le cours ne se décidant pas à remonter ‑ il faut dire que l'endettement de la société et la médiocrité de résultats n'y sont pas étrangers-, les 7,6 millions d'options attribuée au cours des quatre dernières années risquent fort de ne pas être exercées de sitôt. Par ailleurs, la loi interdisant d'émettre des actions – fût-ce à l'intention des bénéficiaires de stock-options ‑ à un cours inférieur à valeur nominale (15 euros), l'attribution de nouveaux plans d'options perd tout attrait. Sauf, bien entendu, à réduire la valeur nominale de l'action, de manière que le prix d'exercice, au lieu d'être un objectif à atteindre, puisse suivre la baisse des cours.

Il fallait y penser.

Et il fallait oser. Ce qui fut fait. Il est prévu année d'attribuer 6 millions d'options nouvelles et, parallèlement, de réduire la valeur nominale à 1 euro, ce qui laisse une bonne marge ! Dans de telles conditions, pourquoi les dirigeants se fatigueraient-ils à mettre en œuvre des stratégies créatrices de valeur ? La moindre hausse des cours leur permettra maintenant de faire facilement fortune. Une OPA à 15 euros, comme celle qui a été refusée, en décembre dernier, ferait gagner 20 % su les cours actuels. Mais les actionnaires fidèles de la première heure perdraient encore le tiers de leur mise. Qui a dit que les stock-option permettaient de faire converger l'intérêt des actionnaires et celui des dirigeants ?